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La Révolte Chapitre 3

Publié le par Christophe

 

III

 

 

  Une maison qui surplombe la falaise. En contrebas, des rochers immenses, difformes, toujours martyrisés par la fureur des vagues qui viennent se fracasser, immanquablement, sans cesse dévorés par l'écume immaculée de l'océan. Des mouettes hargneuses planent dans le ciel à peine nuageux, les ailes cassées. Elles font des cercles calculés avant de plonger dans l'eau glacée, et remontent à la surface, un poisson dans le bec. Puis elles se laissent porter au gré des remous, quelques instants, attentives à ce qui se passe autour d'elles, le regard craintif, avant de reprendre leur envol, et tout recommencer.
  Un chien fou court dans l'herbe joueuse, essaie de saisir entre ses crocs les brins bousculés par le vent, se roule dans la verdure, s'imprègne des odeurs salées de la terre, puis se couche enfin, la langue pendante, ses longs poils dans les yeux, heureux.
  La maison est petite mais chaleureuse. Isolée. Une odeur de café se répand dans la cuisine. Une tarte refroidit lentement sur la table, un disque distille doucement ses notes dans l'air. Tout est tranquille, serein.
  Elle est debout, à quelques pas de chez elle, et contemple toujours avec le même amour l'infini bleuté de cet océan qui l'a vue naître, grandir, espérer, aimer, pleurer, vivre. Ses cheveux sont soigneusement attachés. Seule une mèche flotte au gré du vent, plus calme ici. Son chandail, trop grand pour elle, l'enveloppe presque entièrement. Mais peu importe, elle est bien.
  Chaque jour elle reste là, des heures durant, à écouter la nature, à sentir sur son visage la brise légère de la côte, à regarder les oiseaux, à caresser l'herbe grasse, à ne faire qu'une avec la terre.
  Elle sait que sa vie est ici, dans cette maison solitaire, loin des autres. Elle sait qu'il y a des autres. Quelque part. Elle sait aussi qu'un jour, un homme viendra pour elle. Alors elle l'accueillera en sa demeure, lui servira une tasse de café, de ce café à l'arôme si merveilleux, et lui offrira peut-être de cette tarte qui repose sur la table.
  Ensemble, ils écouteront alors la musique. Ensemble, ils marcheront dans l'herbe grasse, et joueront avec le chien fou. Ensemble, ils regarderont les oiseaux, ensemble ils sentiront la petite brise sur leur nuque, et respireront les parfums mélangés de l'océan. Ensemble, ils pourront espérer, aimer, pleurer, vivre...

 

  Aujourd'hui elle reste seule sur le seuil de sa maison. Le café est froid maintenant, et le soir commence à tomber, inévitable. Les vagues s'assombrissent elles aussi, et disparaissent peu à peu dans les ténèbres de la nuit qui s'avance.
  Mais demain elle sera là. Elle reprendra sa place dans ce paysage qui est le sien, qui est elle. Demain, comme hier, comme aujourd'hui, elle attendra.

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